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Un monde post-américain?

9. January 2009

La situation internationale aprà¨s l’ascension de Barack Obama

C’est à  cause de la crise systà©mique où le capitalisme amà©ricain a prà©cipità© — et qui aura des effets profonds et de longue durà©e concernant le systà¨me de relations internationales tout entier — que le prà©sident à©lu Barack Obama ne pourra pas laisser en second plan la politique internationale. Bien que dans les annà©es finales du XX sià¨cle une poignà©e d’à©tats nouveaux aient accà©dà© au rang de nations impà©rialistes incipientes ou de nations sub-impà©rialistes, les Etats-Unis restent la seule puissance omni-dimensionnelle, c’est-à -dire qu’ils reprà©sentent la premià¨re puissance mondiale dans le domaine militaire, industriel, agricole, culturel, techno-scientifique et financier. Ils voudront maintenir coà»te que coà»te leur suprà©matie, et essayeront d’à©taler et de dà©charger les coà»ts de la crise sur le reste du monde, qui pour cette raison est en train d’entrer dans une pà©riode historique de trà¨s haute instabilità© qui pourrait aboutir en une pà©riode de guerre ouverte à©tendue, prolongà©e et pluri-dimensionnelle.

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1. La crise systà©mique (qui a son à©picentre dans les Etats-Unis), contrairement à  ce que certains pensent, ne poussera pas la Maison Blanche vers une politique de “non-intervention” sur la scà¨ne mondiale, mais bien, en ligne avec les traditions wilsoniennes, vers un internationalisme impà©rialiste qui, pour pragmatique qu’il sera, dà©montrera sa continuità© avec la politique du prà©dà©cesseur Bush.

2. Cela ne signifie pas que l’internationalisme impà©rial se manifestera sous la màªme forme uni-latà©raliste qui l’a caractà©risà© depuis 2001. La stratà©gie nà©o-con de la triade Cheney-Rumsfeld-Bush a donnà© des rà©sultats modestes comparà©e à  l’à©norme effort militaire, financier et diplomatique qu’elle a comportà©. En plus d’avoir à©tà©, pour ses coà»ts considà©rables, une cause concomitante de la crise à©conomique, la stratà©gie nà©o-con (camouflà©e en lutte sans quartier contre le terrorisme, mais visant en rà©alità© à  consolider avec la guerre la suprà©matie amà©ricaine) s’est rà©solue par un demi-dà©sastre. En effet, malgrà© la victoire à  la Pyrrhus en Irak, elle a donnà© de l’oxygà¨ne aux Rà©sistances anti-impà©rialistes; elle a approfondi le contraste avec les à©tats dits “voyous”; elle a produit de graves frictions avec la Russie de Poutine et gà©nà©rà© un à©loignement larvà© dans les relations avec les allià©s traditionnels (pas seulement europà©ens).

3. la Maison Blanche devra donc rà©adapter sa politique impà©riale afin de conserver la suprà©matie mondiale amà©ricaine. Elle combinera sa stratà©gie mono-centrique avec une tactique multi-latà©raliste. Elle ne recourira à  l’intervention armà©e uni-latà©rale qu’en dernier ressort, en utilisant premià¨rement sa puissante diplomatie, qui n’est rien d’autre que le masque de son impressionante force militaire de dissuasion; deuxià¨mement en renforà§ant l’OTAN, c’est-à -dire en incluant plus nettement l’Union Europà©enne dans la gestion des discordes internationales; troisià¨mement en conduisant des guerres par personne interposà©e, c’est-à -dire en recourant aux troupes d’askaris et aux à©tats collaborationnistes; quatrià¨mement, selon le modà¨le des “rà©volutions oranges” en Ukraine et Gà©orgie, en soutenant directement des soulà¨vements populaires internes au nom de la “dà©mocratie” afin d’insà©rer de nouveaux pays dans son orbite gà©o-politique.

4. La thà©orie que le monde serait dà©jà  entrà© dans une pà©riode post-amà©ricaine n’est pas confirmà©e par les faits. Il s’agit seulement d’une tendance latente qui, admis qu’elle puisse s’affirmer sans une sortie de l’humanità© du capitalisme, ne doit pas en faire oublier la contre-tendance: la rà©sistance obstinà©e de l’impà©rialisme amà©ricain — Barack Obama a à©tà© choisi par les oligarchies impà©rialistes amà©ricaines non pas pour seconder un “nouvel ordre mondial multi-polaire”, mais bien pour le tuer dans l’oeuf. C’est justement pour cela que le monde, loin d’entrer dans une phase d’appeasement (apaisement), risque au contraire de prà©cipiter dans la spirale d’une guerre ouverte à©tendue, prolongà©e et pluri-dimensionnelle, marquà©e par l’entrelacement inà©dit entre le vieux conflit Nord-Sud et celui qui, au dà©but par procuration, opposera l’Ouest à  l’Est et le Nord au Nord.

5. La Maison Blanche n’acceptera pas une nouvelle hià©rarchie polycentrique des puissances, elle ne poursuivra pas la stratà©gie d’un “gouvernement mondial”, d’un à©quilibre paritaire avec les autres puissances. Elle vise plutà´t à  obtenir un systà¨me d’à©quilibre multi-latà©ral tournant autour d’une solide centralità© amà©ricaine, où les autres puissances agiraient comme acteurs de second rà´le (selon l’exemple de la doctrine rooseveltienne des “quatre policiers”) et qui aurait pour corollaire un sous-systà¨me de petits gendarmes rà©gionaux. Cela aussi nous porte à  prà©voir une acutisation des rivalità©s dans le cas où ces puissances (la Russie en premier lieu) n’acceptent pas cette hià©rachie — des rivalità©s qu’on ne peut dà©finir autrement qu’inter-impà©rialistes.

6. Dans cette perspective l’Union Europà©enne, prise entre le marteau et l’enclume, sera soumise à  de trà¨s fortes tensions gà©o-politiques. Il est certain que la Maison Blanche, en ligne avec son comportement depuis la Seconde Guerre mondiale, voudra empàªcher par n’importe quel moyen que l’Europe s’oriente vers une perspective euro-asiatique, qu’elle desserre ses liens de sujà©tion avec les Etats-Unis, c’est-à -dire que l’UE se mette à  son compte. Barack Obama n’hà©sitera pas à  combattre toute hypothà¨se euro-asiatiste de rapprochement de l’Europe à  la Russie, en l’occurrence en jouant la carte du dà©membrement de l’UE, en alimentant les conflits rà©gionaux pour isoler et affaiblir la Russie et impliquer et maintenir subjuguà©e l’Union Europà©enne à  travers l’OTAN.

7. Si les Etats-Unis veulent demeurer le seul super-impà©rialisme Barack Obama ne pourra pas relacher la pression sur le Moyen-Orient. Le Prà©sident à©lu, en dà©mentant bien entendu ses contes à©lectorals, a dà©jà  rà©iterà© le soutien inconditionnà© à  Israà«l, et a dà©clarà© que les USA n’abandonneront pas l’objectif d’à©reinter les rà©sistances arabes, en premier lieu le Hezbollah et le Hamas (qu’il a, comme Bush, dà©finis comme terroristes). Il a affirmà©, confirmant les accords avec le gouvernement fantoche de Baghdad (SOFA), que des bases militaires stratà©giques seront maintenues en Irak, adoptant pour ce Pays le modà¨le de servage adoptà© depuis la Seconde Guerre mondiale avec les Pays vaincus. Il a finalement confirmà© qu’il n’y aura pas de compromis avec Tà©hà©ran jusqu’à  ce qu’il ne renonce au programme nuclà©aire et à  soutenir le Hezbollah et le Hamas.

8. Sa promesse de concentrer la pression militaire en Afghanistan ne doit donc pas àªtre mal interprà©tà©e comme un abandon des positions de prà©dominance gagnà©es au Moyen-Orient. Le Pentagone et le Dà©partement d’Etat ne peuvent penser d’à©liminer la rà©sistance afghane et de conquà©rir pour toujours ce pays sans un contrà´le ferme de la rà©gion.

9. La raison pour laquelle la focalisation sur l’Afghanistan est un prà©sage de nouveaux et plus graves conflits consiste en cela, que ce pays reprà©sente, dans la perspective gà©o-politique du nouveau leadership, le centre gà©ometrique symbolique de leur dessein impà©rial. L’Afghanistan est le lieu où il sera dà©cidà© si dans la pà©riode qui vient un nouvel ordre mondial multipolaire remplacera l’ordre monopolaire amà©ricain.

10. Les Etats-Unis obtiendraient six objectifs stratà©giques s’ils gagnaient la guerre afghane. (a) Le plus immà©diat, trà¨s important d’un point de vue symbolique, est qu’ils auraient dà©montrà©, aprà¨s le rà©sultat incertain en Irak, de pouvoir liquider la rà©sistance la plus tenace qu’ils aient rencontrà© aprà¨s celle du Vietnam, et d’avoir donc arràªtà© l’avancà©e de l’Islam. (b) Cela aurait des consà©quences significatives sur la Rà©publique Islamique d’Iran, qui se trouverait en ce cas complà¨tement encerclà©e et etouffà©e. (c) Une à©ventuelle victoire sur la rà©sistance islamique afghane aiderait par ailleurs les Etats-Unis à  normaliser le Pakistan en parvenant à  ramener à  des proportions mineures le pouvoir militaire d’Islamabad en faveur du docile à©là©phant indien. (d) Ils mettraient l’Asie centrale, avec ses rà©serves à©nergà©tiques et ses olà©oducs et gazoducs sous leur tutelle. (e) Cette tutelle briserait l’axe stratà©gique Moscou-Pà©kin et humilierait pour une longue pà©riode les ambitions stratà©giques de la Russie de Poutine en rendant rà©aliste l’objectif stratà©gique qui soutient le dessein brzezinskien: attraper la Chine à  l’intà©rieur de l’orbite amà©ricaine. (f) Puisqu’à  travers la mission OTAN-ISAF l’Europe a à©tà© irrà©parablement entraà®nà©e dans la guerre, une escalade militaire en Afghanistan l’enchaà®nerait dans le rà´le d’acteur docile de second rà´le.

11. Dans ce cadre, loin de venir à  manquer, la raison d’àªtre du Camp Anti-Impà©rialiste assume une importance nouvelle. Etant dà©faitistes mais pas pour autant indiffà©rents face à  l’à©ventuelle explosion violente des rivalità©s inter-impà©rialistes Ouest-Est et Nord-Nord (la dà©faite du super-impà©rialime des USA reste l’objectif primaire de toute rà©sistance anti-impà©rialiste, pour lesquelles un dà©sà©quilibre multipolaire est à  prà©fà©rer au despotisme monopolaire), nous aurons de nombreuses occasions de lutte, sur trois axes avant tout: le soutien aux rà©sistances anti-impà©rialistes, celle de l’Afghanistan tout d’abord; la lutte contre l’OTAN; les deux convergeant sur le troisià¨me axe, celui du contraste inconditionnà© et irrà©ductible au super-impà©rialisme amà©ricain, car il reste le pilier principal du systà¨me capitaliste international.

12. Notre à©toile polaire reste la màªme: la construction d’un Front Anti-Impà©rialiste sur à©chelle mondiale. Nous ne nous sommes jamais cachà©s et nous ne nous cachons pas maintenant les graves difficultà©s qui se trouvent sur le chemin de ce Front. Celui-ci n’est pas inscrit dans l’ordre des choses, et nous n’avons jamais pensà© que l’histoire l’engendrera spontanà©ment. Il faut la combinaison de diverses conditions, objectives et subjectives, pour que l’unità© internationale des rà©sistances prende forme. Les objectives sont confià©es au cours impondà©rable des à©và¨nements; les subjectives viennent à  dà©pendre essentiellement de la possibilità© que mà»risse enfin la recontre entre la majeure partie de la rà©sistance islamique et les diffà©rentes forces rà©volutionnaires et communistes. Cette fraternità© dà©pendra à  son tour de la capacità© des deux acteurs de se dà©barasser, l’un du mythe de la Oummah comme seul horizon de libà©ration, l’autre du mythe de la fonction entraà®nante de la civilisation occidentale, qui s’accompagne du culte du progrà¨s, fut-il capitaliste.

Notre fonction n’est donc pas seulement celle de construire la solidarità© anti-impà©rialiste et de stimuler dans tous les lieux possibles la rà©sistance. Il n’est pas moins important de travailler pour l’alliance en question, une tà¢che titanique qui ne demandera pas seulement de l’action, mais un effort thà©orique et culturel aussi grand.

Rà©solution approuvà©e par le Comità© Exà©cutif International du Camp Anti-Impà©rialiste – 4 Janvier 2009

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