Site-Logo
Site Navigation

Les possibilités d’établir une alliance globale pour soutenir la cause des peuples opprimés

6. February 2009

Intervention de Nadine Rosa-Rosso à  la confà©rence de
l’Union Internationale des Parlementaires pour la Palestine (UIPP), 15 mai 2008


Je tiens d’abord à  prà©ciser à  partir de quelle expà©rience personnelle et de quelle idà©ologie j’avance mes points de vue. Dans la confusion politique qui domine aujourd’hui, si on veut aborder la question des alliances, il est important de savoir et de comprendre à  partir de quelle rà©alità© chacun d’entre nous, chaque organisation, parti ou mouvement formule ses opinions sur le monde.

Je suis une militante communiste depuis 1970; mon expà©rience politique s’est dà©veloppà©e en Belgique, sià¨ge des institutions europà©ennes et de l’OTAN, membre de l’alliance qui combat en Afghanistan, ancienne mà©tropole coloniale en Afrique. La Belgique est un des plus vieux pays industrialisà©s, un des pays les plus productifs et les plus riches au monde et où la protection sociale des travailleurs est parmi les plus dà©veloppà©es du monde riche.

Si l’on veut parler d’alliances, et surtout si on veut rà©aliser des alliances, il est essentiel de chercher à  comprendre la rà©alità© prà©cise dans laquelle les opinions des uns et des autres se construisent. Parce que si nous voulons arriver à  un combat commun, à  un rà©sultat commun, il faut savoir et surtout accepter que nous n’emprunterons pas les màªmes chemins parce que nous ne partons pas du tout du màªme endroit.

Pour arriver à  A, le chemin partant de B sera B-A et le chemin partant de C sera C-A.
La faà§on dont une mà¨re palestinienne de Gaza, une paysanne sans terre du Brà©sil, une intouchable de Calcutta ou une habitante des bidonvilles de Kinshasa construira sa vision du monde sera forcà©ment tout à  fait diffà©rente de la mienne. Et pourtant le dà©fi à  relever est que nous puissions nous rassembler en un mouvement commun contre l’impà©rialisme.

Les alliances possibles et nà©cessaires
Pour pouvoir crà©er des alliances, pour reconnaà®tre des allià©s potentiels, il faut pouvoir se mettre d’accord sur l’adversaire. Vu du tiers monde, le premier problà¨me est l’impà©rialisme amà©ricain et, à  sa suite, le suivisme europà©en et la complicità© des rà©gimes corrompus dans le tiers monde màªme. Les rà©actions en Afrique, en Asie, en Amà©rique latine ou au Moyen Orient ont à©tà© totalement diffà©rentes face aux attentats du 11 septembre que celles en Europe, au Japon ou aux Etats-Unis.

Les stratà¨ges amà©ricains, que l’on adhà¨re ou non à  la thà©orie du complot sur les attentats du WTC, ont pu largement utiliser cet à©và©nement pour convaincre une partie de l’opinion publique et une grande part des gouvernements europà©ens qu’ils ont intà©ràªt à  se placer derrià¨re le bouclier amà©ricain. Cependant, l’enthousiasme à  suivre les stratà¨ges amà©ricains s’est dà©jà  considà©rablement refroidi entre le premier à©lan contre l’Afghanistan des Talibans et le second contre l’Irak de Saddam Hussein.

Les travailleurs et les peuples de l’Union europà©enne n’ont en rà©alità© aucun intà©ràªt à  soutenir la politique militaire amà©ricaine dans aucune rà©gion du monde ; ils n’ont aucun intà©ràªt à  attirer sur eux la màªme colà¨re que les agressions militaires et l’arrogance politique amà©ricaines suscite à  juste titre dans les peuples du tiers monde. Pour se protà©ger des attentats terroristes, la mesure antiterroriste la plus efficace et la plus facile à  rà©aliser est de retirer ses troupes sans contre-partie et sans dà©lai de toutes les rà©gions du monde que les USA ont mis à  feu et à  sang.

A chaque attentat rà©el ou supposà©, la gauche se sent obligà©e de condamner ” fermement ” le terrorisme, de proclamer la nà©cessità© de le combattre par tous les moyens, de prà©fà©rence dà©mocratiques, mais ne pose jamais comme premià¨re mesure la cessation des interventions à©trangà¨res, où qu’elles soient. Il appartient aux peuples concernà©s de faire et dà©faire leurs gouvernements, et non à  des nations à©trangà¨res. C’est un principe à©là©mentaire de relations entre les peuples qu’il faut restaurer si les peuples veulent vivre en paix.

Une deuxià¨me raison fondamentale qui doit pousser travailleurs et peuples europà©ens à  renouer avec une certaine tradition anti-impà©rialisme et anticolonialiste est le modà¨le à©conomique, social et politique que les USA exportent sur le continent, gà©nà©ralement avec une à©tape expà©rimentale en Grande-Bretagne.

Les privatisations, la destruction progressive des formes avancà©es de la protection sociale, le dà©mantà¨lement des services publics, la dà©structuration et la dà©rà©gulation radicale des formes collectives du travail et l’affaiblissement du pouvoir syndical et politique des travailleurs qui s’ensuit, la restriction des droits dà©mocratiques de s’exprimer et de s’organiser pour combattre ce systà¨me, l’individualisation forcenà©e des modes de production et de consommation, en bref, le ” tout pour le marchà©, tout par le marchà© “, ce slogan trompeur des oligarchies financià¨res et des multinationales, tout cela est ” Made in USA ” et nous conduit vers la barbarie. C’est contre cette barbarie qu’explosent aujourd’hui les rà©voltes de la faim dans le monde.

Mais nous connaissons aussi les consà©quences de ces politiques au sein des USA màªme, et, sous une forme encore adoucie, sur le continent europà©en, : explosion des inà©galità©s sociales (chiffres), explosion de la violence intà©rieure et des prisons, dà©sintà©ràªt de plus en plus grand des citoyens pour la chose politique.

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, il existe un urgent besoin d’un front large et radical, au niveau de l’Union europà©enne contre la guerre initià©e par les Etats-Unis et pour la dà©fense de la dà©mocratie, de la justice sociale et de la paix. La question centrale, l’opposition à  la guerre et aux interventions de type colonial, est la base sur laquelle ce front est possible.

Si elle prend des formes extràªmement diffà©rentes en moyens, en intensità© et en consà©quences, la màªme guerre se mà¨ne contre les peuples du tiers monde et contre les travailleurs dans les mà©tropoles impà©rialistes. Les màªmes intà©ràªts sont en jeu ici et là , à  savoir, fondamentalement : en finir avec la mainmise de la poignà©e d’hyperriches de cette planà¨te.

La premià¨re des alliances à  rà©aliser concerne les gauches radicalement anti-impà©rialistes du monde entier. Il est urgent que ces gauches d’un genre nouveau apprennent à  se connaà®tre, se soutiennent mutuellement, à©changent des opinions et des expà©riences et à©tablissent des liens sà©rieux.

Pourquoi sommes-nous minoritaires ?
Si cette gauche d’un nouveau genre est minoritaire, c’est aussi toute la gauche qui est minoritaire aujourd’hui et elle en porte une grande part de responsabilità©. Quatre raisons peuvent expliquer la faiblesse actuelle de la gauche.

Le manque de projet de socià©tà©.
Quand la droite libà©rale à©tait politiquement et idà©ologiquement minoritaire, au sortir de la seconde guerre mondiale, elle a prà©parà© son come back patiemment pendant trente ans, en s’organisant essentiellement dans des think tank qui ont obtenu leurs premià¨res victoires politiques avec l’à©lection de Reagan aux USA en 1980 et de Thatcher en Grande-Bretagne en 1979. A propos du marchà© libre versus la socialisation des moyens de production et la rà©partition des richesses, la dame de fer ressassa à  l’infini le fameux ” TINA “, ” there is no alternative “.

La gauche parle et agit aujourd’hui comme une à©ponge imprà©gnà©e de cette pensà©e thatchà©rienne. Qu’elle soit social-dà©mocrate ou communiste, elle se laisse culpabiliser sur son bilan politique, à©conomique et social. Si elle veut sortir de sa position minoritaire impuissante, la gauche doit cesser de dire qu’elle a tout ratà© au vingtià¨me sià¨cle, tout en reconnaissant rationnellement les erreurs rà©elles qu’elle a commises. Elle doit dà©fendre les acquis des communistes et de la social-dà©mocratie dans les pays riches, le rà´le essentiel jouà© par le camp socialiste tant pour le rapport de forces entre capital et monde ouvrier dans les mà©tropoles impà©rialistes que dans les luttes pour la dà©colonisation. Cela ne l’empàªche nullement de tirer toutes les leà§ons des erreurs, parfois monstrueuses commises. Mais ce n’est pas en disant à  l’adversaire, excusez-nous de nous àªtre battus pour la justice sociale, la dà©mocratie politique et la paix qu’on fera avancer la cause des peuples au vingt et unià¨me sià¨cle.

La capitulation face à  la vague islamophobe
Il existe un lien direct entre le manque de projet de socià©tà© de la gauche et la peur de l’islam. La gauche a d’autant plus peur des courants islamistes politiques, qui lient leur rà©sistance à  un projet de socià©tà© religieux global qu’elle n’a elle-màªme plus de projet de socià©tà© global. Elle a peur de se faire avaler par le projet religieux et elle a raison parce que les masses suivront nà©cessairement ceux qui rà©sistent le mieux. Or, toute l’histoire l’a prouvà©, on rà©siste mieux quand on a une perspective à  long terme que quand on n’en a pas. Au lieu de trembler devant la montà©e des sentiments religieux, la gauche ferait mieux de dà©velopper un projet de socià©tà© mondial dans lesquels les masses croyantes, qui constituent l’immense majorità© des populations, ont une place à  part entià¨re et ne sont plus traità©es comme des barbares arrià©rà©es incapables de progressisme.

L’hystà©rie laïque à  partir de quelques foulards, dont la France nous a donnà© un triste exemple, et qui a profondà©ment divisà© la gauche, n’est que la pointe de l’iceberg que nous devrons faire fondre si nous voulons que la gauche survive.

L’à©pouvantail communautariste
Dans l’ensemble des changements intervenus dans l’organisation du travail dans les pays capitalistes, un des plus importants est la situation de cette partie du prolà©tariat issu de l’immigration, que ce soit à  la premià¨re, la deuxià¨me ou la troisià¨me gà©nà©ration. Les premià¨res vagues d’immigration ont directement à©tà© intà©grà©es dans les grands complexes industriels en plein dà©veloppement au dix-neuvià¨me et au vingtià¨me sià¨cle ( mines, sidà©rurgie, constructions mà©talliques) ainsi que dans les grands travaux publics. Rappelons d’ailleurs que toute l’histoire de l’industrialisation est lià©e à  l’à©migration des paysans vers l’industrie, de la campagne vers la ville, màªme si, au dà©part, il s’agissait de migrations internes aux pays en voie d’industrialisation. Le màªme processus a lieu aujourd’hui en Chine ou en Inde.

Mais dans les plus vieilles nations industrielles, cette immigration est lià©e à©troitement à  l’histoire de la colonisation ; c’est le cas pour la France et la Grande-Bretagne, ce l’est moins pour des nations ayant ” disposà© ” de moins de colonies, comme l’Allemagne ou la Belgique.

Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, avec l’à©rosion, voire la disparition totale des grands complexes industriels et la rà©orientation de l’à©conomie occidentale vers d’une part la ” socià©tà© de l’information “, d’autre part la socià©tà© des services, la situation de l’immigration a fortement à©voluà©. D’un cà´tà©, il y a l’immigration bienvenue, c’est-à -dire l’immigration diplà´mà©e, qualifià©e, qui peut contribuer au dà©veloppement de la socià©tà© de l’information. C’est une catastrophe pour les pays du Tiers Monde, car c’est l’aspiration de leurs cerveaux vers l’Occident et par consà©quent un frein sà©rieux à  leur propre dà©veloppement. D’autre part, il y a l’immigration non ou peu qualifià©e destinà©e à  alimenter en main d’Å“uvre la socià©tà© des services au sens large : services aux personnes, hà´tellerie, tourisme, bà¢timent, agriculture. Ainsi se rà©alisent les prà©visions d’un social-dà©mocrate allemand, Hildebrand, en 1910 ( !!) : “ L’Europe se dà©chargera du travail manuel – d’abord du travail de la terre et des mines, et puis du travail industriel le plus grossier – sur les hommes de couleur et s’en tiendra, en ce qui la concerne, au rà´le de rentier “.

Cette Europe de rentiers a besoin d’un sous-prolà©tariat non qualifià© ou, quand il l’est, pràªt à  accomplir des tà¢ches n’exigeant que peu de qualification, pour un salaire de misà¨re et dans les conditions de la prà©carità© voire de la clandestinità©. La production industrielle peut se faire ailleurs, en Chine ou en Inde, par ” les hommes de couleur ” du moment que ceux-ci accomplissent dans les mà©tropoles les tà¢ches permettant aux riches et aux classes moyennes de vivre dans la facilità©.
L’immigration moderne dans les mà©tropoles impà©rialistes est dà©volue aux tà¢ches domestiques, au sens large. Elle entretient les bureaux et les usines quand les employà©s et les ouvriers ne sont plus au travail, elle entretient les mà©nages et les quartiers quand les travailleurs ” de souche ” ne peuvent ou ne veulent plus le faire pour ces salaires-là .

Cette division du travail, je la vois directement dans les classes où j’enseigne le franà§ais à  des adultes pour la plupart rà©cemment immigrà©s : aux femmes africaines non qualifià©es le travail mà©nager à  domicile, rejointes aujourd’hui par des femmes plus qualifià©es de l’Europe de l’Est, aux hommes marocains le travail sur les chantiers de construction ou de rà©novation, le transport par camion des marchandises ou l’accueil des touristes dans les hà´tels.

Cette division internationale du travail est une cause profonde de la division du monde du travail. Cette division est alimentà©e par des campagnes racistes, faites de paroles et d’actes. Mais dà¨s que cette partie du prolà©tariat, relà©guà©e objectivement au rang de serviteurs et souvent traità©e comme telle, tend à  se rebeller, la gauche s’à©carte peureusement par crainte du ” communautarisme “.

L’attitude de la gauche à  l’à©gard des rà©voltes des banlieues en France ou de la criminalisation des organisations radicales issues de l’immigration, comme nous la connaissons aujourd’hui en Belgique avec le procà¨s contre l’AEL, est typique à  cet à©gard. Si la rà©volte des jeunes des deuxià¨mes et troisià¨mes gà©nà©rations de l’immigration est communautariste, alors les femmes ouvrià¨res en grà¨ve pour l’à©galità© des salaires, les ouvriers masculins luttant pour le suffrage universel des hommes, puis les suffragettes luttant pour celui des femmes, tout cela à©tait aussi des luttes communautaristes, car il s’agissait de communautà©s de travailleurs ou de travailleuses, conscient(e)s d’une discrimination spà©cifique et luttant pour l’à©galità© des traitements.



La culpabilisation sur le gà©nocide nazi

La gauche, en particulier les communistes, mais aussi au-delà  de la gauche, de larges pans de chrà©tiens ou de libà©raux dà©mocrates, appartiennent à  une tradition qui a cachà© les juifs et rà©sistà© au nazisme avant et pendant la deuxià¨me guerre mondiale. Elle doit refuser la culpabilisation à  l’à©gard du gà©nocide juif, non pas parce qu’elle n’à©tait pas nà©e à  cette à©poque, mais au contraire parce qu’elle existait et a payà© de nombreuses vies la rà©sistance à  la barbarie nazie.
C’est prà©cisà©ment parce que nous appartenons à  cette tradition que nous soutenons la rà©sistance du peuple palestinien.

En conclusion, si la gauche cesse de se laisser intimider par la droite (et c’est exprà¨s que je ne mentionne pas l’extràªme droite – qui n’est pas, quoi qu’on en pense, le danger principal en Europe aujourd’hui), si la gauche cesse de capituler constamment face à  son idà©ologie et ses thà©ories politiques et à©conomiques, elle a un grand avenir devant elle. Mais pour cela, il faudra un minimum de courage et ne pas craindre la diabolisation voire la criminalisation.

Ce courage, nous pouvons le trouver en regardant le monde d’aujourd’hui, en mutations constantes.

Les opportunità©s pour affaiblir la toute puissance amà©ricaine sont tout autour de nous. C’est à  nous de les saisir. Nous avons besoin d’une stratà©gie qui prenne le monde entier comme point de dà©part et non pas seulement nos propres conditions d’existence.

Les pays à©mergents : Chine, Inde, Brà©sil, Russie
Nous assistons aujourd’hui à  l’à©mergence extràªmement rapide de nouvelles puissances à©conomiques et politiques qui offrent une alternative à  la puissance à©conomique amà©ricaine. Quelle que soit l’opinion que l’on puisse avoir dans la gauche sur les rà©gimes en place en Chine, en Inde, au Brà©sil ou en Russie, ces nations à©conomiquement à©mergentes regroupent la plus grande part de la population mondiale et assureront dans les annà©es à  venir la plus grande part de la production industrielle mondiale.

Ces nouvelles puissances sont dores et dà©jà  le pà´le vers lequel se tournent les nations les plus pauvres du tiers monde pour à©chapper au joug des multinationales amà©ricaines et europà©ennes. Cette nouvelle tendance permettrait à  l’Union europà©enne de se dà©tacher du bouclier amà©ricain et d’oser de nouvelles alliances.

La gauche europà©enne ne peut pas laisser passer cette opportunità© de rompre avec l’axe atlantique et d’à©tablir de nouvelles relations avec les nations et les peuples du tiers monde. Mais elle doit pour cela reconnaà®tre inconditionnellement le droit des nations à  l’indà©pendance, à  leur conception de la dà©mocratie et surtout au dà©veloppement, màªme quand celui-ci emprunte des voies qui nous rappellent les pires moments de l’industrialisation en Europe. Il faut cesser de faire la leà§on aux peuples qui ont faim et soif d’eau potable, qui vivent sans à©lectricità©, sans à©coles et sans hà´pitaux ; ce qu’ils attendent de nous, ce ne sont pas nos leà§ons sur le travail des enfants mais des revendications radicales à  l’à©gard de nos propres gouvernements, comme l’annulation immà©diate et sans condition de la dette ou la fin des interventions militaires ou dites humanitaires.

Les rà©sistances dans les nations en dà©veloppement
Embourbà©e dans son occupation militaire de l’Irak, incapable de mettre fin à  la rà©sistance palestinienne, prà©occupà©e par les positions antisionistes et anti-impà©rialistes de la Syrie ou de l’Iran, l’administration amà©ricaine est actuellement incapable de s’occuper de son arrià¨re-cour traditionnelle, le continent latino-amà©ricain. Non seulement Cuba reste debout, Fidel Castro ou non à  la barre, mais les peuples utilisent les à©lections pour mettre au pouvoir les formations politiques les plus à  gauche dans leur pays. C’est naturellement autour du Venezuela de Chavez, fidà¨le allià© de Cuba, que se regroupent les forces les plus anti-impà©rialistes du continent.

La force de Chavez ne rà©side pas seulement dans l’attraction qu’il exerce sur les masses pauvres de l’Amà©rique latine mais dans sa capacità© à  proposer de nouvelles alliances aux peuples du monde entier. Chavez propose à  la gauche un modà¨le de stratà©gie fondà©e sur une à©valuation du rapport des forces en prà©sence.

Le fossà© grandissant entre riches et pauvres au sein du monde riche
Bien que cela ne dà©bouche pas encore sur des luttes d’envergure, le fossà© entre actionnaires riches et prolà©taires pauvres grandit chaque jour un peu plus au sein des mà©tropoles impà©rialistes. De màªme, les conditions d’existence d’une large couche moyenne des travailleurs, notamment dans les administrations publiques, le non marchand, le petit personnel de cadre et employà©, s’effritent lentement mais sà»rement.

Le noyau ouvrier organisà© et conscient issu de la grande pà©riode industrielle, et toujours prà©sent aujourd’hui dans quelques entreprises importantes, a la possibilità© de chercher des allià©s en dehors de l’entreprise. Si le noyau ouvrier classique, qui a jouà© un rà´le politique essentiel au vingtià¨me sià¨cle, veut encore jouer un rà´le progressiste dans ce nouveau sià¨cle, il lui faudra rejoindre des combats extà©rieurs à  l’usine, que ce soient ceux des jeunes en lutte contre la restructuration de l’enseignement ou ceux des jeunes en lutte contre la discrimination, la violence et les meurtres racistes. Il lui faudra reprendre les revendications de ceux qui n’ont pas de toit, pas de droits ou pas de voix et, sur cette base claire et radicale, entraà®ner les couches moyennes des travailleurs dans une nouvelle ” utopie ” socialiste. Sinon le dà©clin politique de la classe ouvrià¨re, qui est indissociable du dà©clin de la gauche, sera inà©luctable.

La CGT s’est rà©cemment honorà©e en France en reconnaissant les travailleurs clandestins comme des membres à  part entià¨re du prolà©tariat franà§ais et en soutenant leur combat. Si ces exemples sont encore relativement peu nombreux, ils peuvent nous inspirer. C’est aussi ainsi que les luttes du tiers monde et les luttes du prolà©tariat europà©en peuvent se rejoindre sur place, à  domicile et remodeler progressivement l’identità© du prolà©tariat europà©en.

Il existe donc de nombreuses raisons pour un optimisme raisonnable et rà©aliste. Des alliances plus ou moins conscientes, plus ou moins structurà©es sont dà©jà  en train de se dà©velopper à  l’à©chelle mondiale ; des expà©riences limità©es mais tournà©es vers l’avenir ont lieu à§a et là  dans toutes les rà©gions du monde. Pas encore de quoi nous rà©jouir pleinement, juste assez pour nous donner ce courage indispensable pour affronter les dà©fis d’aujourd’hui.

Car ce qui est prà©occupant, c’est l’à©cart entre ces possibilità©s rà©elles d’alliance et la conscience qu’en a la gauche occidentale.

Pour arriver à  A, le chemin ne serait pas le màªme si l’on part de B ou si l’on part de C. Les conditions dans lesquelles la gauche dà©fend son projet au Moyen Orient, en Amà©rique Latine ou au sein de l’Union europà©enne sont radicalement diffà©rentes. Nous sommes obligà©s d’en tenir compte chacun dans notre militantisme. En màªme temps, il est essentiel que nous nous rencontrions plus souvent pour (rà©)apprendre que nous poursuivons en dà©finitive le màªme projet commun, à  savoir un monde dà©barrassà© de l’impà©rialisme, dans lequel les peuples construisent des relations basà©es sur l’à©galità©, l’indà©pendance et la solidarità©.

Il nous faudra lutter pied à  pied contre l’intoxication des esprits par l’idà©ologie bon marchà© du choc des civilisations. Il faut renvoyer cette idà©ologie à  la place dont elle n’aurait jamais dà» sortir, à  savoir un vieux ràªve de milliardaire amà©ricain.

Nous, gauche europà©enne, devons mener cette lutte au sein de ” notre ” communautà©, ici, dans les sanctuaires capitalistes mais ce sera d’autant moins difficile que nous le ferons en alliance avec vous, militants de gauche et militants anti-impà©rialistes du tiers monde, pour refuser ensemble de galoper tàªte baissà©e dans le mur du choc des civilisations.

Il me semble essentiel que nous recommencions à  raisonner en termes d’impà©rialisme et de nations opprimà©es, en termes de capitalisme et de prolà©tariat, en termes de luttes de classes et de libà©ration nationale, en termes finalement d’internationalisme prolà©tarien mais que nous le fassions dans une conscience claire de notre position minoritaire et de l’indispensable ouverture aux alliances que nous permet le monde d’aujourd’hui, tel qu’il est rà©ellement et non pas tel que nous le voudrions.

Topic
Archive